Le 16 mai 1847
Reçue le 20 août
Répondu le 26
Mes chers parents,
En redescendant de notre station de l'île Saraport pour venir déposer à bord de l'Africaine qui va partir pour la France les hommes qui ont fini leur temps de service et allant à bord du voir des camarades qui sont à bord on m'a causé une bien grande joie en me remettant deux lettres de vous une en date du 20 décembre et une autre du 31 janvier 1847. Il y avait déjà longtemps, bien longtemps que j'étais sans nouvelles de vous ce qui me peinait d'autant plus que les lettres arrivent bien plus vite de France à Monte"video qu'elles ne vont de Montevideo en France à cause des vents qui sont toujours bons pour venir sous les tropiques et donc par cette même raison contraires pour aller en France. Aussi comme je vous le dis dans toutes mes lettres ne soyez pas trop en peine lorsque mes lettres éprouvent du retard, d'autant plus qu'il doit arriver fort souvent qu'il s'en perd. Encore une fois le pays est on ne peut plus sûr, notre navire très solide, quoique pas très grand pour la mer. Mais comme nous naviguons toujours en rivière, qui malgré les plus forts coups de vent est toujours calme, nous sommes ici aussi sûrement que dans une maison à terre. Enfin vous pouvez être là-dessus aussi tranquilles que je le suis.
Mon coeur se serre en pensant que mes camarades sont près de revoir notre belle France et leur famille. Que ne donnerai-je pas pour retourner avec eux. Mais je n'y ai nul droit ; ils ont presque tous plus de quatre ans d'absence et je n'ai encore que 20 mois de voyage . Aussi faut-il se consoler. Du reste on parle ici fortement de paix et celà pourrait bien me faire retourner plus tôt en france. Et puis si l'on me laissait trop longtemps ici, j'aurai toujours la ressource d'écrire au Conseil de .... pour demander mon remplaçant, ce qui dans ma position d'auxiliaire ne me serait pas refusé je crois. Du reste, je suis loin de perdre mon temps iciet j'espère que je serai à même de soutenir mes examens peu de temps après mon retour.
Ecrivez moi bien souvent car lire vos lettres est le plus grand bonheur pour moi et donnez moi des nouvelles car je ne suis pas mal curieux à l'étranger . Pour moi il m'est impossible de vous en d'interessantes car ce pays est devenu d'une grande monotonie (sous ce rapport que nousarrivons dans un endroit entièrement retiré où nulles nouvelles ne parvenaient. Or nous ne sommes pas encore arrivés à Montevideo où sont le nouveau commandant et les ministres (où plutôt ils sont à Buenosayres à ce qu'on nous a dit). Et rien ne nous est parvenu de ce qu'ils font. Seulement le bruit court parmi nos chefs que les ministres sont des hommes qui sont perclus de dètes et par conséquent de facile composition pour ..............qui achètera une paix honteuse pour nous peut être mais que la mésintelligence des cabinets anglais et français rendent nécessaires. Enfin par ce choix d'hommes peu honorables on se reserve le choix de les désavouer tout haut profitant néammoins de leur infamieet peut être même leur a t'on payé le droit de les flétrir.
Mais cependant si je ne peux rien vous dire sur la politique, je vous annoncerai le mariage du commissaire de l'Erigone avec une des plus riche héritière de Montevideo. Car vous saurez que les montevidéennes ont un goût assez prononcé pour les officiers français. Enfin je ne désespère pas de rencontrer aussi quelque jour bonne fortune pareille à celle de l'ami olivier. Et à propos de celà si par hasard je rencontrai quelque jolie héritière bien élevée et de bonne famille de titre d'espagnole vous empêcherait elle de me permettre de lui donner le nom de votre filleet me faudrait il faire le cruel avec elle ?
Ah ici je vous vois vous récrier : il est toujours le même il est capable de faire quelque sottise etc etc . Rassurez-vous ceci est par pure plaisanterie , il n'y a rien de pareil sous cloche et si pareille chose se présentait jamais, ma tête légère et par celà même incapable d'une passion violente vous laisserai tout le temps que vous jugeriez nécessaire pour prendre les informations convenables et jamais dans une telle circonstance je n'agirai que d'après vos conseils. Ah ça mais ! Quittons toutes ces folies que je vous débite depuis une demi-heure pour revenir à mes jolis papiers. Il n'est que trop vrai que je dois de l'argent à Mr Jourdan mais je croyais que c'était 167 au lieu de 267. J'ai perdu la note qu'il m'avait donnée aussi il se pourrait que je me trompe. Cependant prie le de bien voir ses comptes et de te donner une note détaillée. Je dois enfin une quarantaine de francs à Monsieur Sals luthier à Toulon. Mais quand à ce qui est de la vieille propriétaire, je ne lui dois rien, je l'ai même largement payée.
On attend Fe ici tous les jours , je lui reprocherai son peu de soin pour mes commissions et à l'avenir toutes les fois qu'il me sera possible je mettrai mes lettres moi-même dans les sacs aux lettres; car les capitaines marchands ont tous une extrême négligence pour les lettres dont on les charge en particulier donne moi toujours dans tes lettres beaucoup de détails sur notre chère petite Mathilde. Dis lui que je l'aime beaucoup beaucoup que je l'aime bien quand elle est bien sage et que si elle ne te fais pas fâcher je lui porterai à mon retour tout plein de jolies choses.
Adieu mes chers parents je vous embrasse de tout mon coeur . Embrassez pour moi toute la famille.
Votre fils bien dévoué.
F. Maurin
PS Prie Mathilde de faire pour moi à son petit cousin Octave et à ta petite Marie Louise une foule de baisers