Je songe à ces matins qui sentent l'ambroisie
A ces pâles lueurs des vieux automnes morts
A ces petits drapeaux flottants sur la prairie ,
Bleuets , coquelicots , marguerites au coeur d'or
Et à ces jours lointains peuplés de mélodie .
Sur la grande terrasse aux effluves de mer
Où mon âme d'enfant doucement se dévoile
Je sens grandir en moi l'espace des déserts
Et j'écoute le soir , à l'ombre des étoiles
Sous les lentisques bruns au parfum d'ambre amère
J'écoute mon désir chevauchant un nuage
Dans un voyage fou de mon rêve imprudent
Je sens le vent salé m'embrasser au passage
Et m'emporter au fond d'une lune d'argent
D'où je vois les pêcheurs à midi sur la plage .
Je vois encore des cuirassés , fantômes noirs
Ancrant leurs flancs d'acier dans les vagues fumantes
L'escadre russe prie .. et je viens de revoir
Le songe de ces voix aux langueurs émouvantes
Voix des marins chantant leur prière du jour .
J'ai sous la véranda des visions de flamme
J'entends le cliquetis de vos rames de pins
Mes arbres folâtreurs , bouleversant mon âme
De contes merveilleux et de galops sans fin
Alors que moi , je suis un petit bout de femme !
Puissance d'autrefois ! évocation des heures
Pont mis entre les ors d'hier et d'aujourd'hui
Je me berce ce soir en écoutant le bruit
Que font les souvenirs dans ma vieille demeure .
Et puis ! .. pardonnez moi car je crois que je pleure