Le vent bruissait...
Janvier 1957
Le vent bruissait , pinçant des harpes éoliennes
Et glissait lentement le long des marroniers
Sur le champ de bleuets , sa carcasse aérienne
Mettait le clair reflet d'argent des oliviers
La route blanche entrait toute fière au village
Et de chaque côté les rustiques maisons
Lui faisaient fête et la saluaient au passage
Puis de nouveau se rencognaient en leurs cloisons
Et je t'ai retrouvé , j'ai touché ton feuillage
J'ai refait les chemins parcourus autrefois
J'ai revu la rivière et son vieux pont de bois
Et suivi l'oiseau bleu dans son brillant sillage
J'ai cueilli tes lilas au bord de l'eau diaprée
J'ai vu les cygnes blancs secouer leur manteau
Et le pâtre rentrer avec son long troupeau
En fredonnant tout bas sa triste mélopée
J'ai trouvé dans les bois , sous tes nids de fougères
Tous les rayons emprisonnés des autrefois
Et mon âme d'enfant au coeur des primevères
Et tous mes souvenirs au bord de tes vieux toîts
J'ai vu ta large conque à la mousse d'eau claire
où le cheval , le soir , vient se désaltérer
L'immense place , au fond , et ses micocouliers
Puis j'ai réentendu le babil des commères
Sur tes trottoirs j'ai rencontré de bonnes vieilles
Qui furent autrefois des visages charmants .
Dans leurs rides , j'ai vu le passé qui sommeille
Comme en un vieux berceau , des sourires d'enfants
J'ai vu ! j'ai vu ! des aubes et des crépuscules
Enflammer de nouveau l'ombre de tes sous-bois
Et j'ai vu ce matin un anneau à mon doigt
Fait des premières fleurs de lilas minuscules
J'ai revu le printemps en d'autresq paysages
Et le soleil rougir de merveilleux coteaux
J'ai vu d'autres splendeurs en des pays nouveaux
Mais je reviens vers toi .. car c'est toi mon village
Et rien , vois tu , pour moi , ne me semble aussi beau !